Vroubel. "Autoportrait". 1905г.

"Vroubel vivait simplement, comme nous vivons "

"...le peu qu'il nous arrivait d'entendre sur lui, paraissait plutôt un conte de fée, que la vie ordinaire".

Alexandre Blok

 

"ET L' ÉTRANGE VROUBEL ON SE RAPPELLE"


       
Et on se rappelle ces mots de Fiodor Chaliapine en ce dernier avril du millénaire avec un éclat spécial - c'était justement il y a 90 ans, mais plus exactement,... mort le 1 avril 1910 dans la clinique de Bari, pleuré le 2 avril à l'office des morts à l'Académie des Beaux-arts, est enterré le 3 avril à Novodevichiem - le génie "étrange" des beaux-arts non seulement du pays, mais aussi mondialement connu - Mikhaïl Vroubel. Sa mort était un dépérissement rapide et calme, presque dans la solitude complète, et quand l'esprit du génie a quitté le corps, celui-ci s'avéra "petit, desséché, et léger" (les souvenirs de la fille Tretjakov), et "comme si c'était le cercueil d'une jeune fille" il a été porté par de jeunes peintres - Roerich, les frères Lansere, Doboujinskiy... Le mot d'adieu au-dessus de la tombe était prononcé par Bloc, un autre Alexander - Benoit dans le nécrologe publié le jour des obsèques, a écrit -"il y a des vies de peintres comme des sonates, des vies des peintres comme des suites, d'autres comme des pièces, des chansonnettes et même seulement des exercices. La vie de Vroubel, telle qu'elle va partir dans l'histoire c'est une divine symphonie pathétique, c'est-à-dire la forme la plus pleine de l'art ".
M.Vroubel "Autoportrait" papier, fusain. 1904г.
        Ainsi la Russie a pris congé avec le plus original, l'inimitable ( aucune tentative de suivre la manière, la technique de travail de Vroubel n'a été remarquée) peintre qui a entièrement connu dans sa vie et son œuvre l'incompréhension et l'hostilité du public, principalement de la capitale, attaquant sur ses vernissages les avant-gardes des arts figuratifs du pays, et de ses collègues (Sedov et Ostrouchov ont "bloqué"   l'acquisition "du Démon déposé" par la galerie Tretjakovka), des critiques proclamant l'hybride du classicisme avec le réalisme, et la confrérie écrivant simplement dans les journaux de mode.

        D'ailleurs, la mort physique du peintre, mais encore plus large - la mort  du créateur, laquelle a durée quatreAutoportrait(non fini),1905 années (le portrait du poète Valéry Brusov accompli dans la clinique du docteur Ousol'tsev en 1906 - est le dernier travail de Vroubel, le peintre le finissant déjà perdant la vue), a été compris par certains contemporains les plus clairvoyants de Vroubel comme l'achèvement logique de l'audace spirituelle, qui s'est manifesté sûrement plus puissamment dans les "Démons", mais non seulement...



        Des souvenirs des contemporains on peut prendre deux épisodes de l'œuvre du Maître en dehors du sujet "démoniaque". Dans le temple de Cyril qui se trouve à Kiev, Vroubel dessine le Christ aveugle... Au même endroit, à Kiev, il crée la toile "la Prière à la Coupe" (la Dernière nuit de Jésus dans le Jardin de Gefsiman), et tels coryphées, comme Vasnetzov et Prachov, dans le ravissement indescriptible du tableau implorent le peintre de ne plus le toucher, tout de suite ils trouvent un acheteur en la personne du millionnaire Tereshenko, le marché a eu lieu, le lendemain Tereshenko devait prendre le tableau... mais le soir Vroubel part pour le cirque, est charmé là par l'exhibition de l'amazone "charmante" Anna Gappe, revient à l'atelier et, agité par le désir de peindre immédiatement le portrait de l'amazone debout sur le cheval galopant avec la cravache dans les mains, à défaut d'une autre toile libre repeint" la Prière à la Coupe " par "l'amazone"...


        Dans ces deux épisodes s'entrouvre la sortie tragique de Vroubel du Christ vers le Démon.

        Déjà durant l' automne de 1887, en travaillant sur les fresques et les images de la cathédrale de Vladimir, le peintre dans les lettres à sa sœur met l'accent sur ses efforts créateurs. La lettre de novembre - "Démon" il demande plus qu'il coûte et les fugues et l'assurance dans son appareil artistique". La lettre de décembre - "Je dessine et je peints péniblement le Christ, mais cependant - probablement par ce que je suis à l'écart de la famille, - tous les rites religieux, y compris le Dimanche du Christ , me sont ennuyeux et presque étrangers... "

        Le thème du Christ (désigné ce thème par le mot "thème" est médiocre...) dans les créations des peintres russes à la fin du  XIX siècle se rapporte suivant l'évangile aux trois dernières années de la vie terrestre du Sauveur.

        Alexandre Ivanov - son tableau "Apparition du Christ au peuple". Mon Dieu! Et toi aussi tu vas vers  les gens demis nus, en train d'errer autour de Jean Baptiste;  et le paysage ardent judéo italien résistant t'admets aux fonts baptismaux du Jourdain. On T'attend, Te redoute, Te revêt d'une apparence humaine, une autre ils ne comprendraient pas et  ils ne veulent pas... Nous étions assis sur des tabourets comme sur des pierres côtières, devant le tableau immense répandant la fraîcheur et la jeunesse de la terre ancienne et la nudité des âmes de ses habitants. Oui, le tableau lui-même a fraîchi, s'est rajeuni, évidemment par les mains caressantes et les regards amoureux des restaurateurs. On ne veut pas s'éloigner de lui.

        Kramskoy - "Christ dans le désert"... et le désert selon les textes bibliques s'est présenté comme le polygone Kramskoy  "Christ dans le désert" 1872г. des manœuvres de Satan, désespéré dans ses tentatives de séduction du futur Sauveur; mais dans le tableau le désert - le monde est privé de mouvement et à cause de cela a retrouvé la capacité d'écouter le Christ.

 

 

Polenov-"Christ et la pécheresse", "Sur le lac de Tibériade", "la Résurrection de la fille de Jaïrus", - les mises en scène prouvées évangéliquement des actions du Sauveur dans le repaire terrestre.

 
        Et, enfin, les accords destructeurs de Nikolaï Ge - le "Deniarius du césar", le "Golgotha" et la "Crucifixion"...Nikolai Ge "Golgotha" et ce n'est pas tout de suite que les cerbères de la culture ont permis aux spectateurs de jeter un coup d'œil sur ces chef-d'œuvres suprêmes du peintre (le peintre n'avait pas les forces terrestres de finir les deux derniers tableaux, mais cela, sur quoi il a osé réussir à attenter et atteindre et qui frappe par la destruction des matières, des formes,  les experts mondiaux de l'art figuratif vont appeler cette frontière d'accomplissement des compositions " non finita", mais on sait  que le peintre qui a touché le pique de la destruction terrestre du Sauveur a quitté le bon sens..)



        Le sujet du Christ était presque épuisé . Et alors c'est ouvert le sujet de la causalité - : "l' apparition du Christ au peuple", le sujet de l'antagonisme : et Vroubel', s'étant détaché du Christ, a plongé dans cette opposition. Il  a commencé par Lermontov en se basant sur le "Démon".


        L'écrivain remarquable russe, le contemporain de Vroubel, Dimitri Merejkovski, un an avant la mort du peintre a écrit l'essai "M.J.Lermontov. Le poète de la surhumanité". Surhumain s'est arraché par la guerre céleste - "Mikhaïl et les anges faisaient la guerre contre le dragon, le dragon et ses anges faisaient la guerre contre eux. Mais ils n'ont pas résistés, et n'ont pas trouvé pour eux déjà des places au ciel" (les Révélations de  Saint Jean l'Evangéliste, 12-7,8,9), et rentre dans les âmes des gens, qui s'incarnent en anges, ne faisant pas le choix final entre les deux camps de la guerre céleste, de là "c'est pourquoi il est si naturel que nous pensons ce qui va nous arriver après la mort, et nous ne savons pas, nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas penser à ce qui qu'était avant la naissance. Nous devons oublier, d'où - pour  se rappeler plus clairement où". Et ensuite au sujet de Lermontov, né avec une telle âme : "et personne n'a jamais regardé  dans les yeux de la mort si directement, parce que personne n'a senti si clairement que la mort n'existe pas". Et la sortie vers la doctrine d'Origen sur la réconciliation inévitable du diable avec Dieu, rejeté par le clergé chrétien. Et, in fine, "mais qui réconciliera Dieu avec le diable ? À cette question répond le Démon de Lermontov.."

        Et Vroubel', en protégeant ses illustrations pour Lermontov, disait que le "Démon" n'est pas compris - ils confondent le diable et le démon, tandis que le"Demon assis" diable en grec est simplement "cornu", le diable - le "calomniateur", mais le "démon" signifie l'"âme".

 

Vroubel durant toute la dernière décennie du XIX siècle a travaillé sur le "Démon", et sa première création " Démon (assis)" - d'une manière fantastiquement belle, parfaite dans son exécution et dans la psychologisme la plus impériale du travail. Dans la lettre écrite à sa sœur du 22 mai 1890 - "ça fait déjà un mois que je travaille sur Démon. Ca veut dire ce n'est pas un Démon monumental, que je vais dessiner dans le temps, mais "démoniaque"-une jeune figure demi nue, ailée, tristement pensive assise, embrassant ses genoux, sur le fond de coucher du soleil et regardant versla clairière fleurie, à partir de laquelle les branches courbées sous le poids des fleurs se tendent vers lui". Tout  est ainsi - aussi longtemps que je me rappelle, chaque fois en me retrouvant dans la salle de  "vroubelevsky" de Tretjakovka, sans aucune idée préconçus je me précipite vers " Démon assis" et, m'étant rassasié de la magnificence de ce tableau, je passe vers d'autres toiles du Maître, mais aussi sans me rendre compte, je regarde tout à coup vers le "Démon", le "Démon" ne relâche pas...

        Il ne relâchait pas et Vroubel non plus... A.N.Benoit raconte, comment le peintre continuait à reprendre "le Démon déposé", déjà annoncé à l'exposition des "36" - "Chaque matin jusqu'à midi le public pouvait voir, comment Vroubel "achevait" son tableau... Chaque jour nous découvrons de nouveaux et nouveaux changements. Le visage du Démon à un moment devenait de plus en plus terrible, de plus en plus torturé, sa pose, sa constitution avaient en elles-mêmes quelque chose de poignant, quelque chose au dernier point étrange et douloureux, le coloris d'ensemble au contraire, devenait de plus en plus féerique ".

        Il y a quatre ans à Tretjakovka après le "Christ" d'Ivanov j'allais chez le "Démon" , j'y allais avec l'idée brusquement surgie que je vais vers l'image du frère aîné du Sauveur (selon les interprétations lointaines de la théosophie , autrefois le démon était  le plus aimé et l'ange le plus proche  du Créateur); et ce soir là j'ai écrit : " A travers le tas de salles je suis parvenu vers Ton peut-être Frère aîné affligé pleurant plaintivement dans les ruines du coucher de soleil froid. La salle appelait le démonisme sans l'apparence du mal, sa hauteur transparaissait par la blancheur du plâtre du sarcophage, et le chalumeau du génie la brûlait par Faust et Méphisto, et dans cette blessure s'ouvrait la masse de l'espace, couverte par le lilas crépusculaire, et je me suis précipité vers elle... En écoutant les verticales de Vroubel , je ne savais pas que le jour suivant je devais être témoin de la tentative de démolition de celles-ci dans mes yeux, la tentative d'Hieromoine qui autrefois à la vie civile avait admiré des créations de génie. Démoniaque exaltait l'humain, la larme quittait difficilement l'œil biblique, le corps tirait vers la pierre, le génie s'exfoliait de l'époque par le bloc spatial, et devant elle traînait tout le temps ultérieur, traînait, traîne et nous a traîné dehors avec Hieromoine, et nous nous sommes trouvés dans les forces... "

        Hieromoine K., m'offrant le lendemain soir du vin des vignes de Bethléem, était un ancien de Magnitogorsk, parmi nous il passait pour le connaisseur d'art plastique, il adorait les œuvres de Vroubel et je me rappelle : qu'une fois dans les années 70 il m'a rapporté de Moscou une magnifique reproduction "du Démon assis", ses monologues sur les impressions de ses visites de la salle de "Vroubel" pouvait être mis dans la partie de texte de n'importe quelle monographie sérieuse sur le Maître... 10 ans ont passé , le  L.. s'est transformé en moine K., il prêche à ses ouailles dans le temple de la capitale.

        J'allais vers le temple du Prophète Elie où servait K., un autre jour après la visite à Tretjakovka, j'allais avec le "nouveau Vroubel" dans la tête et dans le cœur, j'allais, en goûtant d'avance la rencontre, et la conversation infaillible sur le "Golgotha" de Ge, le "Voyageur" de Nesterov, "Sauveur de Zvenigorod" de Roublev, sur le "Démon" de Vroubel,  et la première fois vu par moi, son triptyque monumental selon "Faust" de Goethe; et tout cela avait lieu, mais quand la conversation est entrée dans le thème de "Vroubel", je n'ai pas réussi tout de suite à me regrouper dans la réaction protectrice, quand K. a accusé Vroubel de diabolisme et, encore plus fort, de retirer Vroubel  entièrement de Tretjakovka, (à moins que de laisser le "Lilas" et la "Princesse cygne"). K.  était agressivement irréconciliable, et je n'ai pas commencé à lui rappeler la parabole du Fils Prodigue, qui n'était pas encore prêt à revenir vers le Père... tel je pensais présenter à K. le "Démon". J'ai conseillé  à K. de regarder " la Tête du prophète ", dessiné par le peintre déjà dans la clinique.

        A cette époque là, Vroubel' dans la lettre à un  musicien familier écrivait : "il n'est pas nécessaire d'être Caligula(?), c'est inutile : la meute de"Princesse cygne" 1900г. chiens avec les têtes qui repoussent. Il est inutile de faire la guerre. Il faut se retirer et dans la satisfaction personnelle de chercher les récompenses et les forces". Alors Vroubel' a dessiné "la Tête du prophète", et l'étonnante "Perle" et a fait le modeste dessin "la Petite cour en hiver" (il semble que ce soit le seul motif d'hiver dans son œuvre ).

        Est-ce que la maladie a libéré le génie du poids de l'œuvre ou le contraire, la discussion dure jusqu'à présent. Mais son médecin traitant F.A.Ousol'tsev, le célèbre psychiatre - clinicien de cette époque là, dans ses souvenirs du patient a écrit : "l'œuvre était à la base dans l'essence de sa personnalité psychique, et, arrivé à la fin, la maladie l'a détruit. Avec lui rien ne s'est passé comme avec les autres chez lesquels les apparitions de la plus fine représentation - esthétique - périssaient les premières; chez lui ils ont péri les dernières, par ce qu'ils étaient les premières. C'était un vrai peintre créateur ".

        Vroubel a encore un tableau magique - le "Pan". Le peintre l'a fait  en quatre jours, ayant lu le récit d'Anatole France les "Satires". C'était le rejaillissement puissant du créateur, plutôt, la résurgence de ceVroubel M. "Pan" 1899г. qui était, probablement, dans la vie précédente du peintre (selon Merejkovski), son chemin et son achoppement (on sait que la nature pour Vroubel était une sorte d'exposition interminable de la forme, des combinaisons de la lumière et de l'ombre, et le paysage "propre" Vroubel ne le dessinait pas). Dans le "Pan" à mon avis, le peintre à travers l'image semi mythique a réussi à pénétrer dans l'envers de l'harmonie, quand l'esprit l'a atteint une fois, il revient au début, vers le premier regard sur le réel.
 

 


V. ARISTOV, peintre reconnu de la culture russe.
 

Vroubel Michael "Le banc"